Je sais, tu sais, on sait: la mode, c’est - et ce sera toujours - une histoire de vêtements. Les silhouettes, les motifs, cette façon qu’a un look de tout raconter en un clin d'œil... C’est ça qui nous attire. Mais derrière les croquis et les coutures, il y a un monde bien moins joli, mais alors tellement lucratif. Je parle du licensing, un truc que j’aurais franchement dû apprendre bien plus tôt. Parce que vraiment, c’est partout. Juste, on ne le voit pas autant qu’on le devrait. C’est le pouvoir qui fait tourner toute l’industrie. Le genre de pouvoir qui transforme un logo en or massif, même quand il est juste plaqué sur une paire de lunettes de soleil dont on n'avait pas vraiment besoin. Et neuf fois sur dix, le designer n’a même pas mis un pied dans le processus de création de ces lunettes - il a juste signé son nom sur la ligne en bas du contrat.
Mais qui s’en plaint? Forcément, pas moi. Parce qu'on ne va pas se mentir: la mode, quand elle fait les choses bien, elle nous retourne le cerveau et vide nos comptes en banque avec le sourire. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que derrière chaque robe sublime, il y a une galerie de costards qui préfèrent parler tableurs plutôt que tailles de manches. C’est un peu les coulisses qu’on n’a jamais demandé à voir, mais qui font tourner la machine pendant qu’on s’arrache les défilés. Et c’est ça qui me fascine: il y a tout un univers secret qu'on ne calcule même pas. Un jeu d’équilibre permanent entre salles de réunion et moodboards, courts et podiums… Et puis ces designers qui prêtent leurs noms à des produits qu’ils n’ont ni dessinés, ni validés, peut-être même ni croisés... Est-ce qu’on est convaincus que Karl ou Tom ont passé leur après-midi à jouer les apprentis chimistes? Non. C’est plutôt une grosse boîte avec un gros compte en banque qui s’assure que tu brilles comme une Amex sans plafond pour 200 balles le flacon. Bienvenue dans le licensing: là où les créateurs sont mi-artistes, mi-magnats, et où leur vraie matière première, ce n’est pas le tissu - c’est le deal.
Mais parfois, je me demande… La différence entre l’audace et l’excès, on est bien sûr qu’elle est là? Cette ligne ultra-fine entre rester iconique et devenir, soyons honnêtes, un peu archaïque, sans vouloir vexer personne, on la voit toujours? Regardez Pierre Cardin. Dans les années 80, tu pouvais presque jouer à “Où est Pierre Cardin?” sauf que la réponse était: partout. Vêtements, gadgets de cuisine, clope... On aurait presque pu naître Pierre Cardin. Et le chic dans tout ça? Évaporée, comme une bouffée de cigarette bon marché. Alors, à quel moment une marque arrête de faire rêver pour devenir aussi excitante qu’un grille-pain en promo?
Peut-être que ça fait partie du grand jeu. Pour chaque créateur qui protège son nom comme trésor de famille, il y en a un autre, un tout petit peu plus casse-cou, prêt à tout tenter. Parce qu’au fond, la mode, c’est du business. Des contrats en béton, et peut-être une coupe de champagne pour fêter ça. Le licensing, c’est un peu le poker des maisons de luxe. Bien joué, c’est le jackpot: des nouveaux marchés, des nouveaux clients, et parfois, une toute nouvelle identité pour la marque (ça passe ou ça casse, et si ça casse, on appellera ça ‘une nouvelle direction artistique’, mais on en parlera après la troisième coupe).
2025. Les marques naissent à une vitesse folle - un jour inconnues, le lendemain virales, et souvent, sur la touche avant même que leur premier pull ne soit livré. Alors forcément, quand l’opportunité d’un licensing rentable se présente, certaines sautent dessus comme si leur vie en dépendait - et, je vous le dis tout de suite: souvent, c’est le cas. Elles ont toutes une vision grandiose, mais rarement un compte en banque qui suit. Un contrat bien placé, c’est leur ticket d’or, une façon de garder les lumières allumées sans finir écrasées sous une montagne de rêves à grandes dépenses et de factures bien réelles. Mais est-ce une bonne affaire ou juste un ticket direct pour les soldes de fin de saison?
Tout ça pour dire que oui, on pense mode, on pense défilé, mais plus je gratte, plus je vois un monde entier de transactions invisibles. La petite robe noire, c’est iconique, mais un bon contrat, c’est l’éternité sous copyright. Sans ça, la mode tiendrait plus du marché du dimanche que de l’artisanat d’exception. Alors pendant que les PDG s’échangent des signatures entre deux réunions, moi, je me contente de classer mes looks préférés des fashion weeks - chacun sa vocation. Et quelque part, un type en open space finalise le deal qui paiera les plumes et les perles de la prochaine collection couture. Comme quoi, en mode, tout est une question de costard ou de costume.